C’est au départ une expérience psychédélique de Salvia Divinorum qui a projeté Kelly dans une dimension mystique qu’elle décrit, je trouve, merveilleusement bien: elle évoque notamment l’idée qu’elle était devenue une multitude de personnalités et que l’ensemble de ces personnalités se combinaient de manière parfaite à travers une infinité de récits dont le temps est la trame transcendantale. Elle parle de l’Amour comme d’un état primordial. Elle a vécu une authentique Illumination, du genre de celles dont parlent toutes les religions.
Elle a d’abord cru devenir folle, a quasi nié l’affaire. Mais en découvrant que cette expérience était, en quelque sorte, courante et en tous cas connue, elle s’est rassurée. C’est alors qu’elle a fait la connaissance de Diana Pasulka qui lui a parlé du mythe de la caverne dans un sens, en quelque sorte, litéral, ce qui l’a ébranlée…
Cet épisode, très bien écrit, parle aussi de l’inconfort qui ressort d’une comparaison avec le phénomène religieux et de la récupération idéologique que cela implique. L’expérience originelle, qu’elle soit bonne ou mauvaise, traumatisante ou extatique, ne peut être associée, par exemple, à l’œuvre d’anges ou de démons, parce que c’est d’emblée l’indexer à une dimension morale qui est extérieure au phénomène lui-même. À ce sujet, elle fait la comparaison avec le jugement que l’on pourrait faire du rapport que notre société entretient avec la faune et la flore qui, pour relativement compassionnée qu’elle est, s’autorise néanmoins une désinvolture certaine dans le traitement qu’elle réserve aux animaux, et dans la douleur physique et morale qu’elle peut parfois leur infliger.