Ce livre, publié en 2001, mais relatant des faits remontant à quelques années auparavant, comporte des éléments vraiment intriguants. Évidemment, c’est l’hypothèse de départ qui est la plus difficile à gober. Mais Strieber est très insistant sur ce point. À moins qu’il ne soit un menteur avéré – à ce stade, je ne sais rien du personnage et n’ai donc aucun avis à ce sujet, il faut croire en sa bonne foi. Il se pourrait évidemment qu’il ait halluciné, ou rêvé, quoi qu’il explique comment s’être assuré que ce n’ait pas été le cas. Et même si ça l’était, ce récit reste néanmoins étonnant.
Une chose m’a frappé tout de suite, c’est l’allusion à l’intelligence artificielle: on est donc fin des années 90. Voici un court extrait:
Le visiteur: If you create a machine as intelligent as yourselves, it will end by being more intelligent.
Strieber: We’ll lose control of such a machine.
Visiteur: Most certainly. But you cannot survive without it. An intelligent machine will be an essential tool when rapid climate fluctuation sets in. Your survival will depend on predictive modeling more accurate than your intelligence, given the damage it has sustained, can achieve.
… et un peu plus loin:
Strieber: How does an intelligent machine become conscious?
Visiteur: The instant it realizes that it is not conscious is the instant it becomes conscious. However, a conscious machine with unlimited access to information and control can be very dangerous. For example, if you attached a conscious machine to the Internet, it might gain all sorts of extraordinary control over your lives, via its access to robotic means of production, governmental data, even the content of laws and their application, and the use of funds both public and private.
Ces questions sont tellement contemporaines qu’on ne peut que s’étonner de ce qu’il faut bien appeler une certaine forme de préscience.
Pour ce qui est du reste des “révélations”, je suppose qu’elles m’ont capté parce qu’elles font fortement écho à mes propres réflexions. Par exemple, au tout début de la conversation, le visiteur dit que nous devrions “retourner dans la forêt”. Strieber rétorque que c’est impossible que 6 milliards de personnes retournent à la forêt (23 ans plus tard, il y en a 2 milliards de plus!!!), à quoi le Visiteur répond qu’en effet c’est impossible, et que nous sommes condamnés, à moins de trouver une issue. J’avoue: un éco-anxieux sévère gît au fond de moi.
Mais c’est là que ça devient intéressant. Le Visiteur explique que les cycles du climat sont un moteur naturel de l’évolution des espèces intelligentes mais que notre cupidité nous a conduit à accélérer les choses au point d’être sur le point de provoquer l’extinction de notre espèce. Jusque là, rien de nouveau. C’est ici que ça se corse, car la climatologie se mélange très vite à toutes sortes d’éléments mythologiques et religieux. Pour commencer, “Dieu est en colère” et le Visiteur répète à l’envi que nous sommes une espèce “déchue”, mais parce que, paradoxalement, nous sommes aussi Dieu, nous sommes malgré tout encore capable de nous sauver. Le salut dépend principalement de notre capacité à évoluer spirituellement. Là encore, rien de nouveau, le constat est sans appel: nous avons asservi les trois quarts de l’humanité à la soif consumériste des Occidentaux tout en détruisant la planète et un nombre incalculable d’espèces vivantes. Le Visiteur nous rappelle au message originel des Évangiles et, essentiellement, de toutes les traditions religieuses, tout en insistant sur la perversion dont elles ont été victimes à partir du moment où elles ont fait l’objet d’intérêts politiques. Ce qui est original, c’est que la spiritualité, qui passe par la prière, notamment la prière collective, ouvrirait la voie à la découverte des technologies qui nous permettraient très concrètement de sauver notre peau. Mais pour nous ouvrir à cette possibilité inouïe de progrès, outre un sursaut spirituel et moral, nous devons encore passer outre 2 importants obstacles:
- les entités venues d’autres mondes qui veulent prendre possession de nos corps élémentaires (par opposition à notre corps énergétique qui survit à la mort physique – on y reviendra) et qui font tout pour décrédibiliser toute tentative de prise de conscience suffisamment élargie de notre vraie nature, comprendre par là que nous sommes bien plus que notre corps physique.
- la culture du secret qui enveloppe les prétendues élites qui, elles, connaissent la vérité de la continuité entre la localité de nos existences incarnées et la non-localité de la conscience élargie mais qui encore une fois, par cupidité ou égoïsme, préfèrent garder cette information pour leur seul bénéfice.
Enfin, le Visiteur insiste beaucoup sur une conception très “karmique” de l’existence où, à travers notre existence terrestre, notre corps énergétique ne ferait que, inlassablement, tenter de regagner ses vieux attachements que seule la méditation permet de relâcher.
Pour conclure: il n’y a rien dans ce livre qu’un écrivain aguerri comme Whitley Strieber n’aurait pu tirer de son chapeau, mais la fable séduit et personnellement, je trouve que ce tableau offre une belle synthèse de nombreuses théories, témoignages et autres conceptions plus ou moins crédibles qui entourent nombre de recherches sur la conscience, la spiritualité et, comme l’appelle Jacques Vallée, le Phénomène.