Une chose, en guise de mise en garde: de manière générale, je dirais que le propos est un peu décousu. Le projet est ambitieux, mais on comprend assez bien l'intention malgré tout, ce qui n'est déjà pas mal même s'il faut souvent un certain travail d'imagination pour faire le lien entre les différents chapitres.
À ce titre, les deux premiers chapitres semblent particulièrement hors propos: il y est question du travail d'une femme certes remarquable – Iya Whiteley, qui a travaillé sur la psychologie des pilotes de ligne et sur leur difficulté à rapporter les dysfonctionnement divers qui peuvent avoir lieu dans un cockpit. Certes, un rapprochement peut être fait avec le frein psychologique desdits pilotes à rapporter l'occurences de phénomènes aériens inexpliqués ("ovnis"). Mais au chapitre 2, il est question d'un projet personnel de la chercheuse: la mise au point, grâce à l'IA, d'un système d'interprétation du "langage de la Terre", projet qu'elle entend mettre en œuvre à travers des livres éducatifs pour bébés. C'est passionant, certes, mais où est le lien avec le reste du livre? Alors peut-être que c'est parce qu'il y est question d'IA, et que Iya veut utiliser l'IA pour interpréter les signaux de la nature, et que l'hypothèse qui soutient un peu cette entreprise, c'est la réalité du panpsychisme? Cette idée serait alors une sorte de clé pour comprendre la suite? En tous cas, on a le sentiment d'une intuition peu ou mal formulée.
En tant que chercheuse en étude des religions, l'intuition de départ de Diana est que les phénomènes inexpliqués impliquant des ovnis ou de prétendus "extra-terrestres" sont une forme contemporaine de spiritualité. Elle avoue avoir présumé du caractère possiblement naïf du phénomène et le sentiment qu'on a c'est qu'elle en est sortie, en quelque sorte, conquise. Chapitre après chapitre, Diana rencontre des experiencers, la plupart de brillants scientifiques qui ont soit lancé des entreprises technologiques à succès, soit travaillé dans les programmes spatiaux nationaux. Ils reconnaissent devoir leurs talents extraordinaires à leur capacité à “télécharger” des connaissances sans effort. En tant que lecteur, on doit accepter la frustration qu’aucun de ces personnages a priori fascinant n’est prêt à partager sa véritable identité. Deux exceptions: Jacques Vallée, une référence incontournable de l’ufologie, l’invite dans son appartement à San Francisco où il partage sa passion pour les livres anciens qui parlent d’anges – déchus ou pas, et elle révèle également que certains célèbres experiencers qui ont joué un rôle crucial dans l’histoire des débuts de la guerre froide sont des adeptes du rosicrucianisme. L’autre exception, c’est Gary Nolan, un éminent scientifique et entrepreneur, professeur à Stanford, qui ne fait pas secret de ses convictions sur l’existence d’une intelligence non-humaine présente sur terre.
Diana Pasulka a travaillé à Hollywood et ça se sent, car son livre n’est pas exempt d’une volonté de séduire. Malgré tout, on a l’impression qu’elle se prend au jeu. Elle fait sans cesse des parallèles avec l’histoire des religions. La référence aux hérésies me semble intéressante et fertile.