Introduction

Au pied de la montagne...

Je ne peux pas dire que j’aie accompli mon existence rêvée, mais pour dire la vérité, je ne sais pas non plus si j’ai jamais rêvé une existence. Tout au plus, j’oserais éventuellement affirmer que je me suis forgé un caractère. J’ai quelques regrets et beaucoup de satisfactions. Je me sens privilégié et à la fois lésé par un départ dans la vie adulte gâché par une situation familiale chaotique. Je suis souvent envahi par toute sortes d'angoisses: financière, écologique, parentale,... Notre époque me révolte et me fascine à la fois...

Je pourrais continuer comme ça pendant longtemps, mais je ne suis pas sûr que ce soit très intéressant. Ce qui me surprend c’est qu’au fond, j’ai la conviction d’être libre, alors que le récit de mon existence a l’air d’affirmer tout le contraire, car si je peux la définir comme je viens de le faire, c’est parce que ma vie a été traversée par des circonstances singulières.

Ce sentiment contradictoire est pour moi comme un fil rouge, un fil que j’ai aujourd’hui envie de suivre le plus loin possible, sans vraiment savoir où il me mènera. Ce fil rouge, c’est le sentiment d’être, au fond, non seulement infiniment libre, mais doté d’une créativité et d'une joie sans limite. Cette conviction enfouie d’être, en somme, infiniment plus que mon corps physique, ne se manifeste que rarement, mais elle insiste, se répète et me donne régulièrement le vertige. Un rêve exceptionnel, un moment de grâce, une expérience psychédélique surprenante, tout au plus, peuvent m’offrir très sporadiquement un aperçu de ce qui se trouve « derrière le voile ».

Des lectures ont petit à petit guidé un cheminement de plus en plus orienté. Un livre, notamment, m'a permis de me sentir un peu moins seul: Irreducible Mind (IM), dont le propos est, avec une certaine méthode, de malmener autant que possible l’idée dominante selon laquelle la conscience serait le produit le l’activité de notre cerveau. À l’opposé, IM dessine les contours d’une conception alternative de la conscience qui serait, dit très approximativement, une sorte de medium universel sur lequel le cerveau agirait comme un filtre. Le livre n'est pas sans faiblesses, mais il a eu le mérite de lancer une dynamique. Il peut susciter une certaine perplexité, tant les faits qu’il décrit sont en porte-à-faux relativement à la science telle que généralement admise. Pour contrebalancer, les éditeurs de IM ont aussi produit un autre livre, une suite, dont l’objectif est de lancer des pistes pour tenter d’offrir un cadre explicatif à la théorie du cerveau comme filtre de la conscience. Ce livre, s’intitule Beyond Materialism: Toward Reconciliation of Science and Spirituality. Il a été suivi par un troisième opus: Consciousness Unbound: Liberating Mind from the Tyranny of Materialism. Par la diversité des contributions dont ils sont le fruit, ces trois livres offrent une solide toile de fond pour comprendre et délimiter l’objet de mes questionnements.

Tout récemment, je suis tombé sur une autre source d'inspiration: Chasing Consciousness, un podcast très fourni (plus d'une cinquantaine d'épisodes à ce jour), qui dévoile une immense richesse. L'animateur du podcast, Freddy Drabble, interroge sur une variété de sujets qui touchent de près ou de loin à la question de la conscience. Parmi les invités, notons: Michael Levin, biologiste de renom, Carlo Rovelli, important acteur de la physique théorique, Dean Radin, chercheur en parapsychologie, Don Hoffman, psychologue cognitif, David Chalmers, philosophe de l'esprit et Antonio Damasio, spécialiste de la neurobiologie. N'ayant a priori pas tout à fait le CV idéal pour entreprendre un tel voyage intellectuel (il est aussi acteur, mannequin et DJ...), il est néanmoins toujours très pointu dans ses questions et injecte une bonne humeur communicative. Je salue au passage l'effort remarquable qu'il fait pour inviter des experts aux points de vue très divers, et parfois même contradictoires.

Par sa pugnacité et sa détermination, une autre personalité m'a beaucoup motivé à mener cette recherche: Bernardo Kastrup, j'en reparlerai.

L’autre grand volet de l’exploration qui suit concerne un thème qui ne cesse de revenir avec insistance, malgré tout l’inconfort qu’il suscite. Pour mitiger le stigmate associé à une matière particulièrement sujette à caution, j’utiliserai le terme de Phénomène, au singulier ou au pluriel, comme a tenu à le faire Jacques Vallée quand il a commencé à en parler il y a plus de cinquante ans. Je m’en explique dans mon prochain article.

L’enquête que je m’apprête à mener ici est une entreprise toute personnelle. C'est aussi un « apprentissage en public », et j'assume totalement ses aspects subjectifs, incomplets ou approximatifs. L'objectif est d'affiner petit à petit.

© Candide Kemmler 2025

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